Neolin en bois exotiques

Une fois de plus, je me suis laissé inspirer par la lutherie de guitare, tellement plus éclectique et aventureuse que la lutherie classique du quatuor. Ainsi, depuis très longtemps, nos amis luthiers du côté des guitares, utilisent des bois d’origine (plus ou moins) tropicale dans la fabrication de leurs instruments. Une combinaison quasiment aussi « classique » que érable ondé / épicéa, bien connu des millions de violons de par le monde, est l’utilisation conjointe du palissandre et du cèdre.

A ce que l’on dit, elle serait même en train de supplanter le classique érable / épicéa parmi la production haut de gamme. Violon ou guitare, même combat: Dans les deux cas, on essaie de fabriquer une caisse de résonance la plus efficace possible.

N’étant pas tout à fait novice dans l’utilisation des bois tropicaux dans des instruments à cordes frottées – j’ai déjà fabriqué une dizaine de Neolins en palissandre du Madagascar / cèdre rouge, en obtenant des résultats très probants, je voulais savoir ce que ça donne sur un modèle tout à fait classique à l’architecture tout à fait classique.

Ainsi est né fin 2014 violon inspiré par le « Heifetz » de del Gésù, en palissandre et cèdre. Bien que l’idée était de faire un violon des plus « classiques », pour avoir une bonne base de comparaison, je n’ai pas pu me résoudre à utiliser un modèle Stradivarius. Avec ma démarche, je pensais bien plus être dans la veine d’une expérimentation sans limites telle qu’on la reconnaît dans le travail de « l’autre » grand Crémonais. Jugeant cela un bon compromis, j’ai alors fait impasse sur des modèles les plus extrêmes du maître, en choisissant un avec des voûtes de hauteur moyenne, ni trop pleines, ni trop étroites.

Quant aux épaisseurs, je savais d’expérience que les bois que j’avais choisis ne me permettraient pas de les traiter tel que sur l’original.
Le bois exotique, parlons-en: Comparé à l’épicéa, le cèdre rouge est encore plus léger, plus tendre et plus souple aussi. Malgré cela, il se fend moins facilement. Pour obtenir une rigidité semblable par rapport à l’épicéa, il faut donc choisir les épaisseurs plus fortes. Malgré cela, le poids à la sortie est d’environ 15% moindre qu’une table en épicéa comparable.
Quand au palissandre de Madagascar, il est nettement plus lourd et plus dense que l’érable, avec une rigidité un peu supérieure. L’effet inverse se produit: A rigidité égale, le fond résultant est environ 20% plus fin et 20% plus lourde. 
Les caractéristiques de l’érable et de l’épicéa se trouvent en quelque sorte amplifiés. Pour ne pas finir avec un instrument trop lourd par rapport à ce qu’on a l’habitude de jouer, j’ai également affiné les éclisses, et la touche ainsi que le manche sont creusés.

Niveau son, ce qui marche si bien pour les guitares, ne peut pas ne pas marcher pour les violons: L’instrument se caractérise par une grande puissance, un équilibre parfait des 4 cordes, et surtout une émission et une précision surprenantes. Le timbre est claire, peut-être plus typé médium, avec un peu moins de ronflement sur la corde de sol, et moins d’harmoniques brillantes sur la corde de mi. Le son est très modulable, porte loin dès le pianissimo (essayé dans la salle philharmonique de Liège), et se fait remarquer par une grande présence et transparence sur tout le registre.

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