Avant-propos : Aurélien a malheureusement, et à regret, quitté le projet. La crise sanitaire de 2020 – 2022 avec son ralentissement d’activité économique, et notre nullitude conjointe et assumée en marketing, ont eu raison de la possibilité – et par la suite de son envie – de faire de la conception et de la fabrication du violon électrique l’Electrolin – précédemment “Zef” – son gagne-pain.
C’est donc pour cela que, par amitié et par respect pour le travail d’Aurélien, vous trouvez toujours ici sa bio. Le nom “Zef” étant parti avec lui, j’ai choisi le nom “Electrolin” pour rapprocher l’instrument électrique de ma fabrication à la gamme électroacoustique des “Neolins”.
CV Aurélien Bertrand
Tout est né d’une pentatonique blues mineure, jouée pour la première fois à l’âge de 14 ans sur mon violon alto.
C’est lors de cette découverte que je tombe amoureux du blues, alors entendu depuis tout petit dans la chaine HiFi de mes parents, puis des musiques populaires qui en découlent : le Rock, la Soul, la Funk, le Hip Hop.
Cette première expérience de l’improvisation à l’alto, sur des musiques qui sont rarement enseignées dans les cursus académiques aux instrumentistes à archets, va forger mon jeu, mon oreille, et par conséquent mon exigence vis-à-vis de la famille des violons.
Mais déçu de ne pouvoir intégrer un lycée à horaires aménagés, probablement par manque d’un cursus d’enseignement de type « conservatoire » dans mon CV, je décide d’oublier les archets.
J’obtiens en 2008 un BTS de Technicien du Son, à Saint-Denis, qui forgera ma connaissance des phénomènes acoustiques et électroniques liés au son, ainsi que ma sensibilité à la diffusion et au mixage d’oeuvres tant musicales que cinématographiques.
Désireux cependant d’être sur scène, je prolonge mes études dans le monde du théâtre comme apprenti comédien à Asnières-sur-Seine, pendant quatre ans. J’y apprends à profiter de l’instant présent, à puiser en celui-ci la moindre occasion de créer, d’inventer, de pousser ma compréhension du monde plus loin, car c’est ce qui constitue le coeur du métier de l’acteur.
Mais les cordes sont toujours présentes dans mon esprit, les cordes frottées, le son gras de l’alto, et je me remets en même temps, peu à peu, à jouer. Le blues d’abord, puis à explorer tous ses enfants, à trouver une nouvelle façon de jouer avec un archet. Le constat se fait de lui-même, il me faut acquérir la technique de base que je n’ai jamais eue.
De 2012 à 2014, je reprends donc des cours d’alto au conservatoire du 9ème arrondissement de Paris.
Ces deux années sont intenses et mon apprentissage technique grossit continuellement.
Fort d’un alto électro-acoustique aux capacités étonnantes, construit par Bodo, je confirme mon goût et mon désir de m’orienter vers la pratique des Musiques Actuelles.
Mais le constat est vite fait que je ne gagnerai jamais ma vie grâce à elles : soit j’ai besoin de m’amplifier et les électro-acoustiques me limitent du fait de l’effet larsen. Soit le son des violons (et autres) électriques tient plus du moustique que du violon acoustique. Soit je fais le choix de ne pas m’amplifier et je perds alors tout l’intérêt des Musiques Actuelles, c’est à dire l’exploration de sonorités dérivées de l’instrument, grâce aux pédales d’effets et traitements divers, sans oublier le kiff de jouer à 110dB et de se prendre pour un guitar hero !
En dernier recours, bien décidé à gagner ma vie, je fais appel à une autre amour de jeunesse, la navigation.
J’intègre l’Ecole Nationale Supérieure Maritime à Marseille, en 2014.
Si tout se déroule bien je serai officier sur les navires de commerce et je gagnerai ma vie sereinement sans me demander si le frigo sera plein demain.
Mais il faut avouer que je suis parti là-bas, aussi, en nourrissant le secret espoir d’enrichir mes connaissances en mathématiques et en électronique, afin de trouver, un jour, une solution pour créer des violons électriques qui sonnent comme de vrais violons.
Des instruments qui offriraient la même richesse d’expression que les violons offrent aux musiciens.
Tout s’est bien passé. Je me suis enrichi d’un savoir mathématique et surtout électronique solides.
Plus important encore, les rencontres que je fais dans ce milieu me grandissent et me rendent fier d’appartenir au monde maritime.
Tout va bien, donc, jusqu’en début de deuxième année d’études.
Après 2,5 mois de navigation pendant l’été, l’envie et la nécessité de jouer de la musique était grande pour moi. Je prévoyais alors de prendre mes vacances d’automne pour jouer un maximum d’alto et explorer un peu plus mon répertoire en Musiques Actuelles.
Mais je me casse le poignet gauche, moins d’une semaine avant lesdites vacances.
Alors seul dans la maison de ma collocation, battue par le froid du mistral, le poignet endolori et immobilisé, incapable d’écrire, ne pouvant prendre de douche chaude à cause d’une panne de chauffe-eau, tous ces sons qui n’existaient pas dans la réalité, tournaient dans ma tête !
Je décide alors d’utiliser ma seule main valide pour replonger dans mes cours de BTS et poser quelques équations sur mon ordinateur. Puis soudain, la somme de connaissances et de pratiques accumulées durant toute ma scolarité, donne naissance à une idée : une caisse de résonance constituée d’un ensemble de petits éléments associés les uns aux autres, permettrait d’offrir un son suffisamment proche de celui d’un violon acoustique tout en empêchant l’effet larsen.
Je tourne la tête vers le radiateur électrique de ma chambre, et la solution me saute aux yeux !
Sa façade était constituée d’une grille métallique; la caisse de mes violons électriques devra être fabriquée à partir de plaques perforées (peu importe le matériau pour l’instant).
Le ZEF était né dans mon esprit !
CV Bodo Vosshenrich
(si vous vous êtes déjà tapé tout l’onglet “Bodo Vosshenrich”, vous pouvez zapper les quelques paragraphes qui suivent et passer directement à “Rencontre / Collaboration Bodo et Aurélien” – sauf si vous êtes vraiment fan de moi, mais ça me gêne, alors. Donc:
J’ai étudié la lutherie de 1996 à 2000 à l’école de lutherie de Mittenwald en Bavière.
Je remercie surtout mon ami et ancien professeur Thomas Wörnle pour ses enseignements efficaces, strictes et justes. Il était de ces professeurs qui ont l’éloge aussi facile que le blâme justifié.
En 2000, j’ai travaillé pendant 9 mois chez Marc Rosenstiel, meilleur ouvrier de France et ancien chef d’atelier d’Etienne Vatelot, à Grenoble. Je lui suis très reconnaissant de m’avoir initié à l’approche Mirecourtienne de la lutherie : Travailler bien et vite n’est pas contradictoire mais complémentaire.
De 2001 à 2003 j’ai travaillé à Paris, en même temps pour le compte de Bernard Sabatier et de Stephan von Baer. Le premier, un personnage unique et extraordinaire, a ma gratitude pour m’avoir appris beaucoup sur l’expertise des instruments, et aussi sur la vie.
Le deuxième me reste en souvenir pour avoir aiguisé mon sens stylistique, d’une part, et pour avoir été un exemple de ce que je ne veux pas devenir au niveau professionnel et humain, d’autre part.
Après Paris, ma route m’a mené dans le sud-ouest de la,France, où j’ai travaillé pendant trois ans pour le compte de Pierre-Yves Dalle-Carbonare, à Toulouse. Je le remercie pour la bonne entente, pour son ouverture aux projets divers et variés et pour son intégrité.
Enfin en 2006, je me suis installé à mon compte. Après un séjour en 2007 en Allemagne pour passer mon brevet de Maître Artisan, j’ai ouvert un atelier à Villemur sur Tarn / Haute Garonne.
Après une année (presque) sabbatique en 2011, j’ai transféré mon atelier à Bondigoux, village à côté de Villemur où pendant cinq années j’ai exercé une double activité lutherie / chambres d’hôtes. Depuis le temps, ma perséverance à marcher en dehors des chemins battus semble payer, et ma réputation grandir, ce qui fait que je travaille de plus en plus sur des commandes spéciales d’instruments (à plusieurs cordes, dessiné, vernis Urushi,…)
Un projet notable qui prend de plus en plus de place dans ma création, était le développement du Zef, un concept d’instruments à archet électriques novateur, développé depuis 2015 avec Aurélien Bertrand, ancien client et actuel associé. Le travail sur le Zef m’a permis de conjuguer mon expérience en lutherie classique, conception et acoustique avec un nouveau matériau qui est l’aluminium, et d’approfondir mes connaissances d’usinage numérique.
En 2017, un autre déménagement à eu lieu, à Toulouse cette fois ci, pour me rapprocher des lieux de création musicale et de mes clients musiciens.
Le personnage
Enfant survitaminé, ado solitaire, compositeur autodidacte, coureur cycliste sans licence, immigré, hériter, amoureux de vielles pierres et rénovateur de circonstance, père en alternance, apprenti auteur et finalement luthier rebelle, je me suis toujours tenu à l’écart des chemins battus, des conventions du moment et de la pensée majoritaire, voir unique.
Je profite du privilège d’exercer un métier que j’aime, qui sollicite autant mon corps que mon esprit, et qui me permet d’être seul maître à bord, tout en réfutant l’idée selon laquelle le travail serait la pierre angulaire de toute vie, l’élément clé qui définit un humain. Comme si la question « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? » devrait automatiquement déboucher sur l’énoncé d’un métier…
Ainsi, avant le travail – ou plutôt à côté de celui ci, comptent pour moi l’amour, l’amitié et bien sûr mes deux enfants. Je suis un amoureux de la nature et des animaux, de tout ce qui nous entoure et nous permet de nous rendre compte que nous faisons partie d’un grand tout – dont nous sommes, tout un chacun, une partie complètement négligeable. Avec les années, et au bout de grands efforts, j’ai également acquis la compétence de ne rien faire, ce qui est une excellent occupation que je vous recommande chaleureusement. En résulte aujourd’hui un fonctionnement “on /off”. Soit, je coule des journées tranquilles, soit je m'(hyper)active à l’atelier, à la rénovation de maisons (j’en suis à la quatrième) où sur un autre projet qui retient mon attention et ma passion.
Quant à la réponse à la question la plus récurrente: Non, je ne joue pas moi-même du violon. Ou alors juste des gammes pour avoir un aperçu des qualités et défauts d’un instrument, comme c’est le cas de beaucoup de luthiers. J’ai appris dans ma jeunesse le violoncelle, laissé tomber depuis par manque de temps, ainsi que le piano, que je pratique sporadiquement. A vrai dire, mon grand regret est que le développement de mon oreille et de mon expression musicale ont été court-circuité par l’apprentissage précoce du solfège, ce qui malheureusement m’a rendu esclave à la partition dans ma pratique musicale. La seule façon de m’en défaire, est de l’écrire moi-même.
Le sport prend également une place assez importante dans ma vie – le cyclisme est pour moi un moyen de me lancer des défis et de me surpasser – en compétition avec moi-même.
En matière de goûts musicaux, je partage le point de vue de Gilles Apap : “All music is born equal”.
Parlant musique, mes deux idoles sont Ludwig van Beethoven et Jaques Brel. Pour leur musique, certes, mais surtout pour leur profonde conviction que la vie est une lutte pour des idéaux. Avec le dernier je partage une aversion contre les bourgeois, et plus particulièrement la soumission à l’argent.
Rencontre / Collaboration Bodo et Aurélien
C’est en 2013 qu’Aurélien m’a approché pour me demander un modèle alto du violon electro acoustique Neolin, instrument électroacoustique de ma propre conception, qui avait alors 5 ans.
(Comment il m’a connu ? Faut lui demander !)
Etant enthousiasmé par mon travail, il n’a pas fait les choses à moitié, choisissant à peu près tous les options possibles, entre un vernis Urushi qui tranche nettement avec les vernis de lutherie traditionnelles, et la possibilité de pouvoir alterné sur le même instrument entre une touche frettée et une, classique, sans frettes.
En 2015, Aurélien est revenu vers moi avec un POC (proof of concept), un “instrument” très rudimentaire consistant d’une table d’harmonie en tôle d’aluminium perforée, un manche, et quelques cordes. Le concept à prouver étant qu’un telle construction serait insensible aux Larsen, les sur-resonances désagréables sortant d’un haut parleur lorsque celui-ci renvoie aux instruments acoustiques la fréquence que ces mêmes émettent, exacerbant leur vibrations sur cette fréquence, et provoquant un collapse du système son de l’instrument / son amplifié.
C’est pour cela que depuis de nombreux années, des instruments à archet “solid-body” existent, qui n’ont donc pas de corps de résonance et ne peuvent être mis en vibration par leur propre fréquence leur revenant depuis le haut-parleur.
Le problème (reconnu) de ces instruments solid-body est, qu’on n’amplifie au final que le seul son de la corde qui vibre. Et les cordes frottées vibrent en “dents de scie”, une vibration très riche en harmoniques, mais qui ne sonne ni naturelle ni agréable si elle n’est pas partiellement filtré, partiellement amplifié par une caisse de résonance.
Le fait de travailler avec une table de résonance perforée, permet aux ondes sonores revenant du haut parleur de “passer à travers”, pour schématiser. En même temps, les vibrations mécaniques d’une telle table restent inaltérées, ce qui permet de les capter électroniquement.
J’étais subjugué par la trouvaille d’Aurélien. Il me proposait de soit lui construire un prototype fonctionnel et dans les règles de l’art sur son principe et de me l’acheter, soit de s’associer sur le projet. Sans grande hésitation, j’ai choisi la deuxième option.
Etapes de construction de l’Electrolin
Le matériau retenu pour la construction de l’Electrolin était l’aluminium, car on peut le perforer sans créer des faiblesses structurelles comme ça se passerait avec le bois par exemple. La fibre de carbone semblait intéressant, mais fut écartée justement pour une trop grande difficulté de la perforer.
Dans un premier temps, j’avais envisagé un thermo-formage de l’aluminium avec un moule positif et un moule négatif, fabriqués en béton réfractaire.
Après de très nombreux tentatives, je finissais par me rendre compte que l’aluminium ne devenait que guère plus souple jusqu’à la température ou il fondait sans crier gare. C’est alors par hasard que nous découvrions que finalement l’alu se déforme très bien à froid, qu’il suffisait d’une sur-contrainte pour palier le facteur élastique que fait partiellement revenir l’alu vers sa forme initiale.
Avec l’expérience des outils d’usinage numérique – auxquels Aurélien s’initiait en même temps -, nous fabriquions donc des moules suraccentuées en bois, qui nous permettaient de mouler nos tables d’alu sans recours à la chaleur.
Le premier prototype n’avait qu’une table, monté sur des éclisses rigides, et pas de fond. L’idée était que les capteurs ne seraient de toute façon placés que sur la tables, donc pas besoin d’avoir un fond.
Ce premier prototype avait déjà un son très prometteur, bien plus agréable à l’oreil que le son des violons électriques solid-body.
D’autres développements ont finalement vu fond et éclisses apparaître, de la même fabrication, en tôle d’aluminium perforée. Le deuxième prototype avait un fond en forme de croix, juste pour rigidifer l’ensemble, et pour pouvoir poser une âme, élément essentiel dans la lutherie classique – dont nous souhaitions conserver le fonctionnement vibratoire.
Le troisième protoype vit cette croix munie d’une voûte.
Remarquant que plus nous nous approchions d’une vraie forme de violon, et plus le résultat était probant, nous fabriquions alors un vrai fond, donnant à l’Electrolin un aspect de vrai violon en aluminium perforé.
Pour rester toujours dans l’optique de nous approcher de la lutherie classique, nous expérimentions avec succès un dégradé des diamètres de trous, pour reproduire le dégradé de poids et d’épaisseur typique des fonds de violon en bois.
Une dernière étape de prototypage concerne la réduction de longueur de la caisse de résoncance, l’aluminium portant systématiquement la tessiture de nos caisses de résonance, trop loin dans les basses par rapport à celle de l’instrument classique. Les suraigus étant alors trop faibles par rapport aux cordes graves.