Il semblerait, et par ailleurs j’ai maintes fois constaté, que de nos jours, la marque compte au moins autant que le produit. En tant qu’artisan indépendant, je me confonds donc logiquement avec la marque, que je le veuille ou non.
Résigné au fait que le musicien, le « client » cherchera toujours à cerner le luthier derrière le violon (Neolin), voilà donc quelques lignes sur moi, qui vous permettront peut-être de vous trouver des affinités avec, voir de vous identifier à moi, l’homme-marque, ou alors qui vous rebuteront complètement et vous convaincront pour de bon que je suis fou à lier et que mon travail relève du sacrilège.
Je résiste par ailleurs à la tentation de m’inventer, à cette fin, une personnalité qui n’est pas la mienne. Mais cette promesse d’authenticité fait peut-être également juste partie du discours commercial, qui sait ?
Enfant survitaminé, ado solitaire, compositeur autodidacte, coureur cycliste sans licence, immigré, hériter, amoureux de vielles pierres et rénovateur de circonstance, père en alternance, apprenti auteur, paysan en culture de bambou et finalement luthier rebelle, je me suis toujours tenu à l’écart des chemins battus, des conventions du moment et de la pensée majoritaire, voir unique.
Je profite du privilège d’exercer un métier que j’aime, qui sollicite autant mon corps que mon esprit, et qui me permet d’être seul maître à bord, tout en réfutant l’idée selon laquelle le travail serait la pierre angulaire de toute vie, l’élément clé qui définit un être humain. Comme si la question « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? » devrait automatiquement déboucher sur l’énoncé d’un métier…
Ainsi, avant le travail – ou plutôt à côté de celui-ci, comptent pour moi l’amour, l’amitié et mes deux enfants. Je suis un amoureux de la nature et des animaux, de tout ce qui nous entoure et nous permet de nous rendre compte que nous faisons partie d’un grand tout – dont nous sommes, tout un chacun, une partie complètement négligeable. Avec les années, et au bout de grands efforts, j’ai également acquis la compétence de ne rien faire, ce qui est une excellent occupation que je vous recommande chaleureusement. En résulte aujourd’hui un fonctionnement “on /off”. Soit, je coule des journées tranquilles, soit je m'(hyper)active à l’atelier, à la rénovation de maisons (j’en suis à la sixième) où sur un autre projet qui retient mon attention et ma passion.
Quant à la réponse à la question la plus récurrente: Non, je ne joue pas moi-même du violon. Ou alors juste des gammes pour avoir un aperçu des qualités et défauts d’un instrument, comme c’est le cas de beaucoup de luthiers. J’ai appris dans ma jeunesse le violoncelle, laissé tomber depuis par manque de temps, ainsi que le piano, que je pratique sporadiquement. A vrai dire, mon grand regret est que le développement de mon oreille et de mon expression musicale ont été court-circuité par l’apprentissage précoce du solfège, ce qui malheureusement m’a rendu esclave à la partition dans ma pratique musicale. La seule façon de m’en défaire, est de l’écrire moi-même.
Le sport prend également une place assez importante dans ma vie – le cyclisme est pour moi un moyen de me lancer des défis et de me surpasser – en compétition avec moi-même.
En matière de goûts musicaux, je partage le point de vue de Gilles Apap : “All music is born equal”.
Parlant musique, mes deux idoles sont Ludwig van Beethoven et Jaques Brel. Pour leur musique, certes, mais surtout pour leur profonde conviction que la vie est une lutte pour des idéaux. Avec le dernier je partage une aversion contre les bourgeois, et plus particulièrement la soumission à l’argent.